Queima em ti todos os livros

André Gide
(1869 - 1951)

Tradução de Dorothée de Bruchard


Excertos de Les Nourritures terrestres (1871).

André Gide em 1947. Foto de Yale Joel (1919-2006).

Et quand tu m'auras lu, jette ce livre — et sors. Je voudrais qu'il t'eût donné le désir de sortir — sortir de n'importe où, de la ville, de ta famille, de ta chambre, de ta pensée. N'emporte pas mon livre avec toi. [...] Que mon livre t'enseigne à t'intéresser plus à toi qu'à lui-même, — puis à tout le reste plus qu'à toi.

E depois que me tiveres lido, joga fora esse livro — e sai. Queria que ele te desse o desejo de sair — sair de onde quer que seja, da cidade, da tua família, do teu quarto, do teu pensamento. Não leves contigo o meu livro. [...] Que meu livro te ensine a interessar-te mais por ti mesmo que por ele, — e por todo o resto mais que por ti.


Il faut, Nathanaël, que tu brûles en toi tous les livres.
Nathanael, é preciso que queimes em ti todos os livros.

* * *

Ronde pour adorer ce que j'ai brûlé

Cantiga para adorar o que queimei

Il y a des livres qu'on lit, assis sur des petites planchettes
Devant un pupitre d'écolier.

Il y a des livres qu'on lit en marche
(Et c'est aussi à cause de leur format);
Tels sont pour les forêts, tels pour d'autres campagnes,
Et nobiscum rusticantur, dit Cicéron.
Il y en a que je lus en diligence;
D'autres, couché au fond des greniers à foin.

Il y en a pour faire croire qu'on a une âme,
D'autres pour la désespérer.
Il y en a où l'on prouve l'existence de Dieu;
D'autres où l'on ne peut pas y arriver.

Il y en a que l'on ne saurait admettre
Que dans les bibliothèques privées;
Il y en a qui ont reçu les éloges
De beaucoup de critiques autorisés.

Il y en a où il n'est question que d'apiculture
Et que certains trouvent un peu spéciaux;
D'autres où il est tellement question de la nature
Qu'après ce n'est plus la peine de se promener.

Il y en a que méprisent les sages hommes
Mais qui excitent les petits enfants.

Il y en a qu'on appelle des anthologies
Et où l'on a mis tout ce qu'on a dit de mieux sur n'importe quoi.
Il y en a qui voudraient vous faire aimer la vie;
D'autres après lesquels l'auteur s'est suicidé.

Il y en a qui sèment la haine
Et qui récoltent ce qu'ils ont semé.
Il y en a qui lorsqu'on les lit semblent luire,
Chargés d'extase, délicieux d'humilité.
Il y en a que l'on chérit comme des frères
Plus purs et qui ont vécu mieux que nous.

Il y en a dans d'extraordinaires écritures
Et qu'on ne comprend pas, même quand on les a beaucoup étudiés.

Nathanaël! Quando aurons-nous brûlé tous les livres!

Il y en a qui ne valent pas quatre sous;
D'autres qui valent des prix considérables.

Il y en a qui parlent de rois et de reines,
Et d'autres, de très pauvres gens.
Il y en a dont les paroles sont plus douces
Que le bruit des feuilles à midi.

C'est un livre que mangea Jean à Patmos,
Comme un rat, — mais moi j'aime mieux les framboises —
Ça lui a rempli d'amertume les entrailles
Et après il a eu beaucoup de visions.

Nathanaël! Quand aurons-nous brûlé tous les livres!

Há livros que lemos sentados num banco
De carteira escolar.

Há livros que lemos andando
(Também pelo seu formato);
Alguns são para as florestas, alguns para outras paisagens.
Et nobiscum rusticantur, diz Cícero.
Há uns que li com diligência;
Outros, deitado em celeiros de feno.

Há uns para fazer crer que temos alma,
E outros para desesperá-la.
Há uns em que se prova a existência de Deus;
E outros em que não se o consegue.

Há uns que não se podem admitir
Senão em bibliotecas privadas;
Há uns que receberam elogios
De muitos críticos autorizados.

Há uns que versam só sobre apicultura
E há quem os julgue um pouco peculiares;
Outros versam tanto sobre a natureza
Que depois não é mais preciso sair para passear.

Há uns que os homens sábios desprezam,
Mas que entusiasmam os pequeninos.

Há uns que se chamam antologias,
Onde se pôs tudo que de melhor se disse sobre qualquer coisa.
Há uns que querem nos fazer amar a vida;
E outros cujo autor se suicidou em seguida.

Há uns que semeiam ódio
E colhem aquilo que semearam.
Há uns que, quando os lemos, parecem reluzir,
Carregados de êxtase, deliciosos de humildade.
Há uns que benqueremos como a irmãos
mais puros que viveram melhor que nós.

Há uns com escritas extraordinárias
Que não entendemos, nem após muito estudá-los.

Nathanael, quando haveremos de queimar todos os livros?

Há uns que não valem um vintém;
E outros que valem um preço respeitável.

Há uns que falam de reis e rainhas,
Outros, de gente muito pobre.
Há uns com palavras mais doces
Que o farfalhar das folhas ao meio-dia.

Foi um livro o que João comeu em Patmos,
Como um rato, — mas eu prefiro framboesas —
Isso encheu-lhe as entranhas de amargura
E ele, depois, teve muitas visões.

Nathanael, quando haveremos de queimar todos os livros?

© tradução | Dorothée de Bruchard | 2010.
Revisada em 2025.
Reprodução proibida
Imagem: Escritório do Livro